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Les Errances Enjouées de Neus Amaëlle
Les Errances Enjouées de Neus Amaëlle
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Les Errances Enjouées de Neus Amaëlle
  • Les fantaisies d'une petite littéraire bien entourée, en quête de sérénité dans un monde joyeusement chaotique, qui aime écrire, s'intéresse à plein de trucs & trouve que la vie, même si c'est un peu n'importe quoi, c'est drôlement chouette, quand même.
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22 septembre 2013

"La maison qui rend fou" - ou qu'est-ce que ça fait de travailler pour l'administration de sa fac, en vrai.

J’aime beaucoup la fac. J’aime argumenter vaguement lorsqu’on commente en voyant mon emploi du temps (« en fait t’as jamais cours, quoi. ») qu’il ne faut pas oublier de prendre en compte tout le travail personnel à faire en dehors des cours. J’aime le fait de payer 12€ à l’année pour faire autant de sports que je veux (équitation anyone? No, really?). J’aime entrer dans les différentes bibliothèques du campus et me dire tous les trois titres « Aaaah, ça ça doit être méga intéressant ! Si je faisais de la recherche, ça pourrait être cool… », même si je n’ai pas franchement l’intention de faire de la recherche. J’aime consulter les listes de cours optionnels et me dire que j’ai la possibilité de m’inscrire à des cours incongrus tels que littérature scandinave ou langue quechua (dans les deux cas, j’imagine un Viking ou un Inca venir nous enseigner tout ça en costume d’époque (tresses et barbe broussailleuse blondes et hache pour l’un ; plumes vert émeraude et sceptre de bois massif pour l’autre), ce qui rend la perspective encore plus fun).  

En fait, j’aime tellement la fac que je déprime rien qu’en pensant que ça pourrait très bien être ma dernière année universitaire proprement dite (surtout ne me demandez pas ce que je vais faire après, surtout ne me demandez pas ce que sont mes projets – sachant qu’ils peuvent se résumer grosso modo à la chanson postée ci-dessous). Pour le coup j’ai presque envie de recommencer à zéro (bonjour, je suis trilingue maya, guarani et suédois c’est marqué sur mon relevé de notes :D). Du coup, moi qui ai déjà toujours du mal avec le mois de septembre en général, dans ce contexte particulier, au lieu de me réjouir d’être encore à la fac pour l’instant, j’ai préféré me morfondre un peu plus, histoire d’égayer la grisaille météorologique annonciatrice de l’hiver qui a eu tôt fait de nous faire troquer shorts et chemises colorées contre le classique écharpes et bottes imperméables (NB : acheter des chaussures imperméables).

J’aime tellement la fac que je suis passée de l’autre côté des bureaux, celui de l’administration (-> tonalité dramatique traduite par l’italique). Je m’occupais de la partie inscription pédagogique, c’est-à-dire tout ce qui se rapporte aux choix des cours. Une belle occasion pour approcher le dragon administratif redouté (d'autant plus redoutable que doté de plusieurs têtes, portes et étages) de plus près. (D’après la légende, certains étudiants disparus auraient été vus pour la dernière fois rôdant dans les couloirs de l'administration… sans doute ont-ils fini englués dans un marécage de paperasse et post-its et sont finalement morts dans des souffrances telles qu’on ne pourrait même souhaiter la pareille à son pire ennemi.)

Je n’ai jamais trop adhéré aux stéréotypes qu’on donne du personnel administratif étant donné que, à chaque fois que j’ai eu des démarches à effectuer, je n’ai globalement eu affaire qu’à des gens sympathiques et compétents – et je ne parlerais même pas de la secrétaire en charge des Master en Lettres, qui est une explosion de bonne humeur et de générosité à elle toute seule – mais après avoir vu à quoi ressemblait leur boulot j’ai pris conscience qu’on faisait de certains personnages antipathiques une généralité sur toute une catégorie professionnelle qui, au fond, est là pour rendre gérable tout un système (l’accès à des formations à un public qui comprend aussi bien des jeunes que des salariés en reprise d’études, en reconversion ou des retraités). Et que, finalement, tous ces papiers à la con qu’on nous force à remplir en respectant des codes qui paraissent complètement ineptes (ne cochez surtout pas la case, malheureux ! entourez-la ! mais, pardieu, ne remplissez pas ces cases en bleu mais en rouge ! et en majuscules, enfin, en majuscules ! Voulez-vous donc que l’équilibre MONDIAL s’effondre ? C’est cela que vous voulez ? UN BAIN DE SANG INTERPLANETAIRE ?)… et bien, en fait, ils veulent dire quelque chose (Si. Je vous jure.). Le truc, c’est que personne ne nous l’explique. Ce qui nous induit à penser qu’un type complètement taré s’est amusé un jour, entre deux cures à l’hôpital psychiatrique, à inventer tout un système administratif absurde rien que pour nous faire chier et a réussi, on ne sait comment, à persuader le président de l'appliquer au niveau national. Certes, je suis bien consciente que c’est toujours laborieux de devoir collecter tout un tas de paperasse pas forcément claire, que c’est pénible de faire la queue pendant des heures pour finalement faire face à des gens qui se contredisent parfois entre eux ou font la gueule parce qu’ils voient défiler les mêmes papiers toute la journée, que c’est éreintant de devoir passer d’un bureau à l’autre pour faire quelques démarches en plus et parcourir tout un campus pour avoir toutes les infos dont on a besoin pour parvenir à ses fins mais enfin, si rien n'était classé, que toutes les infos étaient regroupées au même endroit sans aucune logique, et si on pouvait entrer et sortir de la fac comme dans un moulin est-ce que les choses seraient beaucoup plus simples… ? Mais si on vous explique qu’en fait, on privilégie les lettres capitales pour que ce soit plus lisible, qu’on écrit en rouge plutôt qu’en bleu parce que le bleu est réservé à certains cas particuliers et qu’on entoure plutôt qu’on coche les cases parce que… heu, non, attendez, là je sais vraiment pas pourquoi cocher les cases est apparemment synonyme de chaos, dans certains contextes, tout est soudainement beaucoup plus clair !

Autant vous dire que, quand on passe de l’autre côté, du côté administratif (thème musical dramatique bis), on arrive à avoir une vision différente de la chose. Ma responsable nous a offert des viennoiseries pour notre dernier jour et n’hésitait à nous dire, entre deux explications d’erreurs que nous avions commises, que même si elle ne le disait pas, on faisait du bon boulot, en fait. Certes elle suivait les directives administratives qu’on lui imposait (et encore heureux), y compris les dates limites d’inscription ou les combinaisons de cours impossibles qui faisaient parfois râler les étudiants, mais elle restait une personne humaine – et toute mignonne, en plus. (Une preuve que les membres de l’administration sont humains, ils ont souvent des photos de famille affichées aux murs… si si, regardez mieux !) Et, en côtoyant de plus près cet univers étrange, je me suis rendu compte qu’au final, les gens essayaient tout connement d’aider, en fait. Certes, j’ai des fois eu des réponses agaçantes de gens bornés qui répètent stupidement des dates et des procédures et renvoient les gens sans les écouter sous prétexte qu'ils ferment dans deux minutes… mais dans l’ensemble, le personnel administratif tente de résoudre les problèmes au mieux et de fournir les solutions qui permettent au maximum de personnes d’être contentes à la fin de leur journée. En me retrouvant moi-même dans la peau de l’Administratif (grand Dieu !), j'ai fait de mon mieux pour faciliter la vie aux gens, pour répondre à leurs questions et les accompagner dans leurs démarches en leur montrant que je les écoutais vraiment. J’ai donc couru d’un bureau à l’autre à la recherche de responsables pour vérifier mes infos (lesquels responsables partaient souvent eux-mêmes à la recherche de leurs supérieurs pour vérifier leurs propres infos – you know you work in administration when you find yourself repeating several times a day ‘I just need to check something…’), fait un max de photocopies « juste au cas où », répété quinze mille fois les mêmes trucs à des personnes différentes pour expliquer le fonctionnement de la licence d’anglais et distribué des tonnes de plans, de brochures et de flyers explicatifs de trucs et de machins sur lesquels je pointais toujours les mêmes choses. Et certes, on peut penser que c’est ennuyeux, répétitif et fatigant de faire ça toute la journée – et en effet, ça demande beaucoup d’énergie ! – mais ça peut – et ça devrait – être gratifiant, comme boulot !

Quand j’arrivais à expliquer de façon claire le contenu des cours de première année à des gens qui, jusque-là, n’avaient aucune idée de ce pour quoi ils allaient signer, quand je voyais que les gens étaient soulagés d’être arrivés à la fin de leur inscription, quand j’arrivais à inscrire des cas compliqués sans faire d’erreur, quand je savais répondre aux questions, quand j’allais me renseigner pour mieux savoir quoi dire aux étudiants, quand je tombais sur des gens de bonne humeur avec qui j’avais le temps de discuter un peu ou de blaguer, ça me faisait plaisir. J’ai réussi à simplifier la vie à une maman qui venait inscrire sa fille, j'ai épargné à un gars de revenir à la fac juste pour régler un problème sur l'inscription de sa pote en échange à l'étranger, j’ai rassuré plusieurs angoissés en leur expliquant autant de fois qu’il le fallait et en m’adaptant au caractère (vous saviez qu’il y avait plusieurs façons de stresser, vous ? j’ai pour ma part bien fait la différence entre la paralysie totale de la panique qui part dans tous les sens !), j’ai rétabli une "injustice" de note perdue en allant démarcher les bonnes personnes (adorables, d'ailleurs !) pour qu’une étudiante puisse récupérer la bonne note qu’elle avait obtenu et valider son niveau d'allemand, j’ai rappelé des gens pour leur expliquer les modifications qu’ils devaient faire sur leurs papiers pour rétablir une erreur… et tout ça, ça me faisait me sentir utile. Au final, j’avais de la chance, je parlais à des gens toute la journée et je les aidais dans la mesure du possible. Ce qui est plutôt cool, comme boulot ! Et bizarrement, ce sont les personnes qui comprennent que c’est ça la bonne façon de voir leur travail qui se trouvent aussi être les plus compétentes, comme la secrétaire des Master Lettres qui éclaire tout le monde de son sourire et de sa bonne humeur perpétuelle. Ceux qui se disent « je vais aider des gens aujourd’hui », plutôt que « je vais encore cocher des cases toute la journée » ont vraiment compris l’essence de leur boulot, aussi compliquées que soient à réaliser certaines démarches, aussi pénibles que soient les délais ou certaines prises de tête avec des gens qui vous prennent en grippe parce que vous faites corps avec le système administratif.

Lundi dernier, je me sentais morne. Il faisait moche, j’aurais préféré partir en week-end que retourner au boulot, je m’étais pris les bouchons dans le périph’, ma voiture coincée au milieu des voitures noires, blanches et grises sur la route du métro, j’ai traversé la ville coincée dans une rame de métro aussi grise que les gens qui m’entouraient, j’ai feuilleté, comme toutes les autres personnes présentes, un journal gratuit tout pourri qui me répétait que c’était la guerre ailleurs dans le monde. Bref, un lundi matin de septembre. Une fois assise derrière ma table, il me fallait pourtant être enthousiaste, représenter la fac, présenter la formation, expliquer, détailler, écouter, répondre. Et à peine la première personne repartie avec sa feuille remplie, je me suis sentie mieux. Certes, si je n’avais pas été là, ça n’aurait sans doute pas fait une grande différence, le gus serait juste passé avec une de mes collègues. Mais c’était moi qui l’avais inscrit, moi qui l’avais fait sourire en lui disant que les intitulés des cours étaient parfois vraiment pas clairs mais qu'on s'y faisait avec le temps, que l’optionnelle était en fait traîtreusement obligatoire, moi qui lui avais présenté ses choix et au final, c’était à moi qu’il avait dit merci. Et ça, même si c’est juste une convenance, une politesse, un mot qu’on nous apprend à répéter avant même qu’on en saisisse le sens, ça fait chaud au cœur. 

 

Et parce que je n'angoisse absolument pas par rapport à mon avenir :

 "Qu'est-ce qu'on va faire de toi ?", AlisterAucun mal ne vous sera fait.

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Parce que c'est un grand classique auquel on fait toujours référence, même quand on se retrouve de l'autre côté des bureaux (thème musical dramatique ter) :

 Les douze travaux d'Astérix, Uderzo et Goscinny.

 

PS : Et je tiendrais quand même à dire que, au final, ceux qui font perdre le plus de temps, ce sont parfois les gens qui viennent eux-mêmes faire leurs démarches, parce qu'ils se sont parfois vraiment (mais alors vraiment) pas renseignés sur ce qu'il convenait de faire avant de venir... (Enfin j'sais pas vous mais moi j'aime bien me renseigner un peu sur le contenu des cours avant de m'engager dans un cursus universitaire, mais bon... !) Et que, même les membres du personnel administratif s'arrachent parfois les cheveux entre eux ou débattent pour être bien sûr d'avoir tout compris... Et ça les fait pas forcément vibrer ! Des humains, je vous dis, des humains !

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8 septembre 2013

Francis Combes

 

 

"Soyons réalistes, rien n'est plus urgent que de rêver le monde."

 

Francis Combes, Jean Lafleur, Apologues.

 

 

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