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Les Errances Enjouées de Neus Amaëlle
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Les Errances Enjouées de Neus Amaëlle
  • Les fantaisies d'une petite littéraire bien entourée, en quête de sérénité dans un monde joyeusement chaotique, qui aime écrire, s'intéresse à plein de trucs & trouve que la vie, même si c'est un peu n'importe quoi, c'est drôlement chouette, quand même.
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31 octobre 2013

"Wet dreams on open waters" Erik Johansson

Pour ce texte, je me suis inspirée de la photographie de l'artiste suédois Erik Johansson insérée à la fin de l'article.

 

Mes rames s'enfoncent lentement dans l'eau claire. Ça produit un clapotis léger, un chantonnement heureux et paisible. Les vaguelettes poussent ma barque en avant, plus loin, toujours plus loin. Des gouttes prennent leur envol pour atterrir sur ma peau en un baiser humide. A la surface dansent les rondes des feuilles mortes qui s’illuminent sous l’œil du soleil. Elles me précèdent, m’annoncent que la voie est libre, que je peux avancer sans crainte, sans plus jamais redouter quoique ce soit. Le souffle du vent m'entraîne lui aussi. Il m’accompagne dans cette nouvelle voie que je me fraye.

Je garde les yeux fixés sur cet horizon que je ne peux qu’imaginer. Ça fait tellement longtemps que j'en rêve que j'ai du mal à croire que c'est vrai. Pourtant, c’est vrai : je pars. Je laisse tout derrière moi ; la souffrance, la peur, les liens qui m’enserrent et me tiennent prisonnière depuis tant d’années. Je mue comme un serpent et abandonne mon ancienne peau en chemin. Ma prison coule au fond du lac.

Je ne vise pas la rive, pas encore. D'abord il faut aller plus loin. Le bruissement de l'eau résonne dans les lueurs de l'aube. Ma rame cogne contre un oreiller, iceberg flottant qui vient s'entrechoquer avec ma trajectoire avant de s'éloigner. Je frémis. Peut-être va-t-il sonner l’alarme ? Me montrer du doigt, me juger ? De tout quitter, tout plaquer comme ça, sans prévenir personne. Mais il rebondit contre une racine et tend vers moi un coin de sa taie pour me faire signe, dauphin d’eau douce qui vient jouer le long de mon bateau de plumes. D'autres nagent autour de moi, j’entends leurs cris enjoués, leurs éclats de rire espiègles et muets résonner dans ma tête. Ils sont heureux de me voir sur la route de ce nouveau départ que je désirais tant.

Le vent de la liberté s'est enfin levé. Il est froid, grisant, s’infiltre dans mes vêtements et me fait frissonner. Un pyjama n'est pas la tenue la plus appropriée pour un long voyage. Mais ce n'était pas prémédité, je suis partie d'un coup. C’était un appel, un hèle plus fort que tout. Alors ni une ni deux, je me suis redressée dans mon lit, j'ai regardé derrière moi, à travers le mur, vers cet horizon encore dissimulé qui s'amusait à me chatouiller l'oreille de caressantes promesses. Et plus il murmurait dans le creux de mon épaule, plus je le devinais en transparence, sublime et effrayant. Un instant je me suis demandé si une inondation avait conquis le rez-de-chaussée car de l’eau s’infiltrait progressivement au premier étage, perlant goutte à goutte entre les fibres de la moquette. Je me suis contentée d'attendre. Tout était sous contrôle. J’ai décidé de faire confiance. Le mur extérieur s'est abaissé, passage secret bien camouflé, en attente d'un simple déclic pour ouvrir ses ailes immenses et me projeter en avant. Le courant eut tôt fait d’emporter l’oisillon et son nid. Tombés d'un bloc, mon lit et moi. Il s'est enfoncé dans l'eau comme un bouchon de liège et s'est mis à nager tranquillement dans cette étendue d’eau immense et calme qui avait pris possession du jardin, de la maison, du lotissement entier. On n'en voyait plus rien. Rien que le lac qui avait tout effacé, et les arbres qui se dressaient le long de ses rives infinies et m'indiquaient le chemin à suivre de la pointe de leurs branches et de leurs cimes penchées. Pas par-là, plus loin, là-bas, devant. Va plus loin.

Au début j'ai laissé faire. Allongée sur le dos j'ai observé le ciel, les nuages qui convergeaient vers ma destination, la lumière qui ruisselait à travers leurs silhouettes mouvantes et baignait l’atmosphère d’une lueur inédite. Tous les éléments se donnent rendez-vous à l’horizon que je ne quitte plus des yeux. J’ai décidé de mener ma barque. J'ai saisi les rênes de ma monture. Après tout ce départ, c'est moi qui l'ai voulu. Je prends ma vie en main. Le plaid a un peu trempé dans l'eau mais ça ne fait rien. Un nouveau monde m'attend et je n'ai plus besoin de couverture pour me protéger.

  Wet dreams on open waters, Erik Johansson.

 

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4 octobre 2013

Roger Grenier

 

 

"Le droit de se contredire, c’est aider chaque homme à accepter d’être comme il est, déchiré entre plusieurs pulsions, les unes conscientes, les autres souterraines. Il faudrait lui apprendre, alors qu’il est le jouet de ces déterminismes divers, à se servir de leur multiplicité pour y trouver au moins le sentiment d’être libre." 

 

Roger Grenier, Le palais des livres.

 

 

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