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Les Errances Enjouées de Neus Amaëlle
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Les Errances Enjouées de Neus Amaëlle
  • Les fantaisies d'une petite littéraire bien entourée, en quête de sérénité dans un monde joyeusement chaotique, qui aime écrire, s'intéresse à plein de trucs & trouve que la vie, même si c'est un peu n'importe quoi, c'est drôlement chouette, quand même.
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29 novembre 2010

Les gens, Philippe Labro

Un passage tiré de la fin du dernier roman de Philippe Labro, Les gens. J'avoue avoir été très intriguée par ce bouquin à cause des grandes affiches qui bariolaient la gare et encore plus par la phrase qui l'ornait : "Tout commence par un manque d'amour", d'un philosophe chinois (Mo-tzu). L'histoire raconte le destin de trois personnages qui n'ont pas grand-chose en commun et que les hasards de la vie vont pourtant faire se rencontrer. J'ai trouvé que l'intrigue était bien construite et originale. C'est surtout la vision de l'auteur qui m'a parue juste - enfin, c'est plutôt que ça colle avec ma façon de voir... Mais ce que j'ai préféré là-dedans, c'est les sortes d'intermèdes dans l'intrigue qui introduisent des personnages anonymes qui viennent des quatre coins du monde et qui permettent, d'un coup, de prendre un recul énorme par rapport à l'action. On se voit soudain, soi, un grain de sable parmi tant d'autres, en train de lire un bouquin, un parmi des milliards, et, concrètement, on se prend une bonne claque dans la gueule. Je me laissais complètement happer par ces passages, encore plus que par le roman en lui-même. L'extrait que j'ai recopié ici est celui qui m'a le plus émue.

gens1

Il existe des centaines de milliers d'univers, les myriades de segments les plus divers d'une société dont le degré de civilisation se mesure au nombre de contradictions qu'elle comporte. Ces univers sont séparés, inconnus les uns aux autres, indifférents les uns aux autres. Mais quelque chose les unit, le seul lien commun qui tisse cette carte inimaginable, cette toile arachnéenne aussi bien nationale que mondiale et que domine la peur, comme l'espoir. Tous sont soudés par la puissance de ce qui a révolutionné les mœurs : l'image, et sa transmission immédiate.

Les gens, c'était tout le monde et c'était n'importe qui. Souvent, ils ne savaient plus très bien où ils en étaient, les gens. On leur expliquait que la banquise arctique fondait, que les ours polaires allaient mourir, que des inondations géantes feraient disparaître des îles, puis des villes et peut-être des continents, et que le poumon d'oxygène du monde continuerait d'être déforesté, que l'asphyxie les gagnerait tous un jour, et sinon eux, du moins leurs enfants ou leurs petits-enfants, ou leurs arrière-petits-enfants. Et pourtant, ils continuaient de faire des enfants, les gens. Ils continuaient d'aimer, construire, inventer, créer, soigner, rechercher, enseigner, lutter.

Les gens, on leur expliquait que l'économie du monde basculait, que les séismes et les tsunamis, les cyclones et les éruptions volcaniques, les marées noires et les fuites des centrales nucléaires, les massacres et les génocides, tout cela n'était rien par rapport à ce qui pouvait encore leur arriver. On leur prédisait des années de privations et de crises, et ils comprenaient qu'ils n'étaient à l'abri d'aucune guerre, d'aucun geste fou d'un dictateur fou, à l'abri d'aucune catastrophe mondiale qui remettrait en question la trame même de leur vie quotidienne. Et pourtant, ils ne l'acceptaient pas, et, s'ils ne se révoltaient pas encore, ils opposaient à la noirceur des choses la force de la vie.

Tous enfants de la même algue bleue, tous issus de l'universelle et commune cellule ancestrale, ils suivaient l'évolution, le phénomène dont personne ne connaissait l'ultime bout de course – s'il devait jamais y en avoir un. Ils avaient intégré la notion de l'imminence de l'impossible. Ils vivaient dans l'âge de l'instantanéisme, l'immédiateté universelle, l'accélération des événements réels. Le chaos. Personne ne pouvait plus leur proposer le « point fixe » dont avait parlé Pascal. Et pourtant, ils se soumettaient à la grande loi de la nature comme à un mouvement perpétuel, ils continuaient. Ils n'avaient pas d'autre choix. Il faudrait bien qu'ils s'adaptent, les gens, ils l'avaient toujours fait.


Les gens de gauche disaient : Les choses sont intolérables. Les gens de droite disaient : Les choses sont inévitables. Les sages disaient : Les choses sont ce qu'elles sont.


Churchill disait : L'optimiste est quelqu'un qui voit une chance derrière chaque calamité.

 

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