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Les Errances Enjouées de Neus Amaëlle
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Les Errances Enjouées de Neus Amaëlle
  • Les fantaisies d'une petite littéraire bien entourée, en quête de sérénité dans un monde joyeusement chaotique, qui aime écrire, s'intéresse à plein de trucs & trouve que la vie, même si c'est un peu n'importe quoi, c'est drôlement chouette, quand même.
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9 août 2011

« Tout mon passé dans trois cartons... » (2)

Semi-réflexions sérieuses et surtout poussiéreuses.


En faisant le tri dans mes vieilles affaires, je me suis notamment rendue compte du contraste permanent entre ma « vie réelle » et ma « vie projetée ».* Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours eu beaucoup de projets et de choses que j'avais envie d'apprendre et de faire. Ce n'était donc pas une découverte en soi ; seulement j'ai réalisé que depuis quelques temps l'écart entre les deux s'était considérablement renforcé. Il faut dire que, plus je poursuis mon petit bonhomme de chemin et plus j'empile mentalement des tas de trucs cools à faire pour plus tard, au cas où je m'ennuierais - comme apprendre le suédois, me faire une tirelire en papier mâché, ce genre de gentilles lubies-là... ! Et même si je fais en sorte d'évoluer dans le bon sens – et je suis plutôt contente de ma petite progression, ma foi ! -, si j'y regarde de trop près, je suis bien forcée d'admettre qu'une bonne partie de la sympathique pile de projets est en train de virer Belle au bois dormant en attendant que je veuille bien me pencher sur leur cas... Autant dire qu'il y a de fortes chances que beaucoup ne voient jamais le jour - les princes charmants se sentant d'attaque pour croiser le fer avec un dragon et embrasser une nana couverte de toiles d'araignée, ça court pas les rues de nos jours, surtout avec les jeux vidéos qu'on fait maintenant, sinon ça se saurait.

On a beau se dire, « Oh, c'est pas grave, je pourrai toujours reprendre ça plus tard ! », avec le temps, on n'a plus les mêmes envies, ni les mêmes priorités. Par exemple, en rangeant, je suis tombée sur tout un cahier dans lequel j'avais écrit plein de trucs et astuces concernant mes jeux vidéos préférés. J'avais même écrit toute la soluce d'un des épisodes de La Légende de Zelda (vous aussi vous avez la chanson dans la tête rien qu'en lisant le nom ? :D) et je comptais bien faire de même avec tout un tas d'autres jeux que j'adorais... J'ai quand même été un peu horrifiée en pensant au temps que j'avais passé là-dessus. Idem pour des « scénarios » d'histoires Sims ou de fantasmes adolescents qui avaient la présomption de fournir la trame d'un « roman »... Et là, c'est le moment où on se dit : « Oh, mon Dieu, j'étais si jeune ! » et on a soudainement l'impression de se voir tout petit, tout fragile et innocent – même si on n'a pris que deux centimètres depuis ce temps-là.

Étant perpétuellement en lutte contre mon perfectionnisme ravageur, je me suis dit : « Oui, bon, tu n'avais que X ans. Un peu normal de faire des trucs un peu niais et d'écrire des trucs tout pourris... » Dans la suite logique, j'en viens toujours à la remontrance suivante : « Après tout, quand tu regarderas en arrière d'ici quelques années, tu te trouveras certainement bien immature en repensant à ce moment précis, en te disant qu'à l'époque, tu ne connaissais pas encore Truc et que t'avais pas encore fait ça ou ça... ». C'est vrai ça, on ne sait jamais ce que l'avenir nous réserve - et heureusement ! C'est un peu comme ce que Jean Rousset appelle la « myopie » dans les romans épistolaires : les lettres sont toujours encombrées de détails minutieux qui n'ont pas toujours d'importance réelle par la suite, pour la bonne raison que les personnages l'ignorent eux-même, puisque l'événement s'écrit au moment même où il est vécu. Qui n'a pas un seul exemple personnel en tête d'une brouille, d'un sentiment ou d'un espoir, qui, bien que monopolisant toute notre attention au moment où on le vivait, s'est finalement estompé de lui-même sans laisser de trace concrète dans le cours de notre existence ? J'en étais là de mes réflexions quand d'un coup, ça m'a frappé.

Je me suis demandée ce que pouvaient bien penser les artistes reconnus de leurs œuvres de jeunesse. Il doit bien y en avoir dans le tas qui méprisent certains de leurs travaux alors que l'opinion publique les considère par ailleurs comme des monuments de la littérature/du cinéma/de la musique, etc ! On a tellement tendance à sacraliser les auteurs qu'on classe très facilement un roman comme un chef d’œuvre à la qualité inattaquable... alors que certains passages sont forcément moins bien réussis que d'autres, qu'une pièce de tel dramaturge peut très bien avoir beaucoup plus de profondeur que telle autre, etc parce que, artiste ou pas, ces gens restent humains... Sans compter qu'on peut reconnaître la qualité artistique d'un travail sans pour autant sentir d'affinité particulière avec elle. J'ai imaginé Victor Hugo retomber sur son manuscrit de Notre-Dame de Paris et se dire lui aussi « Bon sang, mais qu'est-ce c'est naze ! J'étais vraiment à côté de mes pompes, à l'époque ! ». Ce qui m'a déstabilisée, mine de rien : mais alors, où est la limite ? Qu'est-ce qui fait de l'Art ? Est-ce que c'est la réception seule qui décide ? Par certains côtés, je trouve ça beau et j'aurais bien envie de m'exalter total et de clamer que, OUI !, pourquoi pas ! Si on se retrouve dans ce qui est exprimé, alors C'EST de l'ART ! ... Et puis je me dis que, dans ce cas, certains pourraient être en droit de considérer que Marc Lévy, Stephenie Meyer et Christophe Maé font de l'Art... et là tout de suite, ça me calme (et je pleure).

Encore une fois, je n'ai pas vraiment trouvé de réponse... (ce qui me rappelle les plans de dissertation basiques qui peuvent généralement se schématiser grossièrement en « Oui », « Non », « Peut-être » ou autres « Certainement pas ! », « En même temps oui, un peu », « Mais pas tout à fait non plus ».) Même sans réponse tranchée, c'est toujours intéressant de relativiser – après tout, je suppose qu'on peut toujours choisir la réponse qui nous arrange le mieux selon le moment (tant que ça vire pas à l'opportunisme)...

Il doit y avoir un temps et un lieu pour tout, comme on dit. A 15 ans, on pense qu'Avril Lavigne est une grande artiste ; à 20 on la voit davantage comme la fille qui chantait des chansons typiquement ados, et qui nous rappelle éventuellement de bons souvenirs de notre adolescence (ou mauvais - selon si vous vous placez du côté de celui qui écoute ses albums en boucle avec ravissement ou de celui qui n'en peut plus de n'entendre exclusivement que ses chansons dans la chambre d'à côté pendant des mois).

 

"Don 't Tell Me", Avril Lavigne, Under my Skin.

N'empêche que je l'aime bien, moi, Avril Lavigne :)

 

*Pour ceux que ça intéresse, j'ai lu un très bon article à ce sujet dans Sciences Humaines, recommandé par le Cube, qui suit des études de psychologie.

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